Gaston Balande

Son œuvre

Elle est considérable. Il a passé sa vie à peindre. Il a commencé très tôt et a dès ses débuts manifesté des qualités qui furent remarquées. Il eut le premier prix de dessin à l’école de Saujon et ce qu’il dessinait alors fut exposé dans la salle du restaurant que tenait sa famille. C’est là que ses premières œuvres furent appréciées par l’Abbé Coutureaud de Royan, qui s’intéressa à ce jeune talent et fut à l’origine de sa carrière comme nous l’avons vu dans le récit de sa vie. Dès lors, il s’est adonné à son art avec passion jusqu’à sa mort. Il a écrit lui-même  » Peindre, c’est ma joie de vivre « . A plus de 90 ans, dans les derniers mois de sa vie, il continuait à peindre, à faire des esquisses, des dessins, des études de tableaux, des projets de compositions tant à Lauzières que dans son atelier de Paris, comme s’il avait encore de nombreuses années devant lui pour conduire à terme tout ce qu’il envisageait. Sa famille qui dispose de ses archives et de nombreux documents qu’il a laissés, et qui est restée en contact avec grand nombre de ses amis dont beaucoup sont au courant du travail qu’il effectuait, estime entre 4 000 et 5 000 le nombre de ses oeuvres. Elles sont d’une étonnante variété ; il s’intéressait à l’art pictural en général et ainsi à ses diverses modalités d’expression. Son œuvre comporte un très grand nombre d’esquisses, de croquis , de dessins, d’études, conservés dans ses archives personnelles qui révèlent combien le travail définitif était l’objet de recherches et d’efforts sérieusement poursuivis pour que sa composition, sa forme, son dessin, sa couleur réalisent au mieux le projet envisagé.

Il a peint une majorité de peintures à l’huile, ainsi qu’en quantité également importante des peintures sur bois, des aquarelles, des eaux-fortes, des fresques, sans parler des dessins, croquis, études, esquisses que nous avons signalés ci-dessus. Il s’est même adonné à la sculpture, s’y révélant d’un talent certain.
Les thèmes qu’il a abordés sont eux-mêmes très nombreux. Le principal est manifestement le paysage

Procession à l’abbaye de Sablonceaux, C.1960

Balande est un des grands peintres de paysages de sa génération. C’est d’ailleurs ce département dont la direction lui fut confiée à l’école américaine des Beaux-Arts de Fontainebleau, fonction qu’il a particulièrement appréciée et qu’il a remplie avec compétence et intérêt pendant 13 ans, jusqu’à la déclaration de la guerre 1939-1945.
Aux nombreux sites des environs de Lauzières et de la Saintonge qu’il a peints, il y a lieu d’ajouter ceux de nombreuses autres régions, non seulement de France mais encore de l’étranger.
A l’époque où il avait un atelier à Etaples, il a effectué de nombreuses toiles en Bretagne, dont notamment  » Retour de pêche à  Etaples qui fut très remarquée au Salon des Artistes français de 1912. Thibault, critique d’art du journal Le Temps dit qu’il s’agit d’un tableau dont  » l’exécution est aussi ferme que la conception en est intelligente  » et dans lequel  » l’artiste a rendu à merveille l’effet de cette lumière si riche de gris foncés, de gris clairs et de notes noires « . Cette toile qui fait partie de la collection de Saujon peut être vue dans la Salle du Conseil Municipal de cette ville.

Il a peint également de nombreux paysages du Poitou, de Normandie, du Quercy dont le célèbre carton de tapisserie de 1924 exécuté sur commande de la Manufacture des Gobelins, dans le cadre d’une série de tapisseries consacrées aux provinces françaises. Elle fut exposée au Salon de Bruxelles de 1925. Le catalogue rédigé par Gustave Kahn en fait longuement état, la considérant comme une des œuvres maîtresses présentées au public.
L’artiste y a peint, dit-il, autour du pont Valentré à Cahors, les sites les plus caractéristiques du Quercy : les routes, les rivières…, les eaux mates aux reflets verdâtres qui s’opposent à la coulée bleue du Lot, l’ensemble entouré de hautes collines cimées de châteaux, de lieux de pèlerinage, de grands arbres avec au centre des personnages qui animent la toile (visible aujourd’hui à la Mairie de Saujon).

Ses paysages d’Île de France sont remarquables aussi et beaucoup ont été exécutés dans la région de Mantes, où il avait installé un atelier à Senneville ; il était d’ailleurs sociétaire des  » Artistes Mantais « . Ce sont principalement des vues de collines aux ondulations douces, parsemées de grands arbres au feuillage clairsemé au pied desquelles circule la Seine ou l’un de ses affluents, l’ensemble offrant au regard une agréable harmonie de formes et de couleurs qui mêle les verts des collines et des arbres, les bleus de la rivière et du ciel et qu’anime la présence de personnages harmonieusement groupés, dessinés et peints, en scènes champêtres où passe une vie de détente et de fête. Ainsi  » un déjeuner sur l’herbe « ,  » Un beau jour d’été « , qui fut longtemps exposé au musée de peinture moderne du Petit Luxembourg,  » Baigneuses  » à l’Hôtel de Ville de Saujon.

Balande n’a pas limité sa peinture de paysages aux paysages de France. Il a beaucoup voyagé et a rapporté de ses voyages des représentations de sites auxquels il avait été le plus sensible. La plupart de ses voyages l’ont amené autour du bassin méditerranéen. Son œuvre comporte ainsi de nombreux paysages d’Espagne, d’Afrique du nord , et plus spécialement du Maroc (à l’hôtel de ville de Saujon, y sont exposés plusieurs exemplaires), de Grèce dont il a peint de nombreux paysages agrémentés de ruines de monuments antiques, d’Italie.

Les critiques d’art louent dans ces paysages, qu’ils soient de France ou de l’étranger, l’harmonie, la couleur, la souplesse voulant dire par là, la capacité à saisir de chacun, par une excellente faculté d’observation, ce qui en fait la caractéristique et à la reproduire avec authenticité, simplicité et naturel. Ils louent également la beauté de ses ciels que chevauchent des masses de nuages aux teintes irisées, tantôt ensoleillés, tantôt gris sous la lumière douce du jour aux ombres légères, tantôt au contraire des  » ciels de plomb avec toutes les nuances de gris d’un grand coloriste « .

Dans ses paysages, Balande a privilégié certains thèmes, dont notamment ceux qui opposent avec une intensité bien exprimée la terre et l’eau. Il fut ainsi un grand peintre des rivières, des ponts, des ports, de l’Océan.

Nous avons déjà signalé la place qu’occupe le bleu des rivières et des fleuves dans ses paysages d’Ile de France ; elle se retrouve dans un grand nombre de ses toiles qui représentent des vues d’autres régions. C’est ainsi que nombreuses sont les œuvres dans lesquelles il a peint une grande quantité de fleuves et rivières de France telles, notamment, la Charente , la Seudre, la Gironde, la Creuse, le Lot, et beaucoup d’autres plus modestes et moins connus.

C’est également parce que l’eau est un des éléments majeurs de son œuvre qu’il fut un grand peintre des ponts qui, dans ses toiles se présentent comme un balcon de pierre grise, immobile et stable sous lequel passe l’eau mouvante dont les reflets bleus nuancés en raison de la diversité de leur éclairage donnent à ces toiles une lumière vivante, vraie et plaisante au regard.

Grand peintre des ports, Balande l’est également. Il a peint en grande quantité et en toute simplicité naturelle, les petits ports charentais, soit criques modestes dans une anfractuosité du rivage, soit aménagements portuaires le long des fleuves côtiers, le plus souvent à proximité de leur embouchure. Dans un cadre harmonieux, comme il en a la maîtrise, il y reproduit avec aisance et symphonie,  » l’encombrement des barques, la complexité des mâtures qui se côtoient « , donnant souvent l’aspect d’un enchevêtrement sans toutefois retirer à chacune, l’espace nécessaire pour qu’elle soit bien différenciée et demeure elle-même par rapport aux autres. Le dessin des voiles qui les surplombent est lui-même nettement dégagé et reproduit avec la souplesse qui convient pour que leurs ondulations sous l’effet du vent s’harmonisent heureusement avec l’ensemble de l’œuvre. Parfois ce sont des ports plus importants dont celui de La Rochelle . qu’il a peint souvent. Alors à côté de cet aspect essentiellement maritime et naval, s’y ajoute la magnificence du cadre architectural qu’entoure l’ensemble des quais que Balande reproduit, comme toujours dans une plastique à la fois précise et vraie.

C’est principalement autour de Lauzières qu’il a peint l’Océan, soit quand il est calme et inondé de lumière, soit au contraire quand il est agité et sombre , sachant avec art, traduire aussi bien sa sérénité que sa violence. Parmi ces paysages océaniques, il faut faire mention de ses représentations de plages et plus spécialement de celles de l’Ile de Ré, proches de Lauzières qu’il a fréquemment peintes, avec les dunes de sable qui les entourent, et la foule des baigneurs et des touristes qui les envahissent, le tout animé, joyeux, richement coloré. De cet ensemble découle une ambiance de fête et de gaieté qui transcrit admirablement l’atmosphère joyeuse caractéristique de ces plages océaniques pendant la période estivale.

Fréquemment, comme nous l’avons déjà signalé, Balande introduit dans ses paysages, des personnages qui leur procurent un supplément de vie et d’agrément. Lorsque cette représentation humaine qui n’est alors qu’un élément accessoire devient le facteur essentiel, nous avons à faire non plus à un paysage animé, mais à des représentations de scènes vivantes. C’est ainsi que son œuvre est riche en scènes de rue, de fête, de foules et en représentation de cérémonies variées.

Entrent dans ce groupe les scènes de guerre qu’il a peintes lors de sa mission aux armées de 1917. Celle-ci l’a conduit à Nieuport et à Verdun où il a peint des tableaux dont les uns représentent les ruines engendrées par la guerre, ruines de châteaux, d’églises, de villages détruits au milieu d’une nature désolée, et les autres, des groupes de soldats soit dans les tranchées, soit en déplacement, transportant des blessés ou des morts, ou se rendant simplement en rang d’un point à un autre au milieu d’une nature, là encore, triste, dénudée et blessée.

Exposition à Londres

Exposition à Londres (2012)

La collection de Saujon en contient plusieurs qui sont particulièrement représentatifs de l’un et l’autre de ces modèles. Parmi ces scènes de guerre, il faut signaler les croquis et les dessins qu’il a faits, en dehors de cette mission, alors qu’il était infirmier bénévole à l’hôpital militaire de Saujon, croquis et dessins qui représentent des soldats blessés, invalides, transportés en brancards ou en voiture roulante et même des têtes de soldats morts, autant de scènes prises sur le vif et fruit d’une remarquable qualité d’observation et d’expression. Dans toutes ces œuvres, qu’il s’agisse de tableaux représentant les dévastations engendrées par la guerre ou les scènes de soldats, soit en action, soit blessés ou même morts, se retrouve ce qu’a signalé Léonce Bénédicte :  » L’âme morale des choses « , éloge particulièrement flatteur en ce qu’il signifie que Balande a su traduire dans ces œuvres l’essentiel, c’est-à-dire cet élément difficilement saisissable, point commun de toutes ces situations où s’inscrit ce qui assure à la guerre sa propre spécificité et donne à chacune de ces scènes sa dimension d’universel.

Balande a peint avec une comparable maîtrise de nombreuses autres scènes, scènes de foule notamment, qui traduisent des situations d’évènements diverses : scènes de rues, défilés militaires, enterrements, processions , scènes de plage que nous avons évoquées plus haut. Dans tous ces tableaux se trouvent représentés avec un art maîtrisé, la vie, la joie, l’animation, le plaisir, l’enthousiasme exprimés avec un mélange de personnages nombreux et variés, placés sur des plans différents de telle sorte que les uns sont perdus dans la foule, sans représentation personnelle, tandis que d’autres situés au premier plan sont l’objet de représentations précises et étudiées avec un visage expressif, valablement picturé et des attitudes et des gestes en relation avec leur figuration et leur situation dans la cérémonie à laquelle ils participent. Ainsi dans le tableau qui commémore  » La visite du Général de Gaulle en 1945 à La Rochelle « , le portrait du Général, debout sur une estrade d’où il harangue la foule groupée autour de lui, est tout à fait reconnaissable par ses traits et sa pose qui représentent avec une étonnante exactitude une de ses attitudes habituelles. (Ce tableau est exposé à l’hôtel de ville de Saujon dans la salle du Conseil Municipal).

Dans un genre différent qui offre le spectacle d’une fête joyeuse en présence d’une foule nombreuse, mouvante et bigarrée, est le  » Pierrot de La Rochelle  » (toile également visible à l’hôtel de ville de Saujon). Le Pierrot, clown avec son costume aux vives couleurs et son long chapeau blanc et pointu, principal personnage du tableau, mime sur une estrade que toute la foule, colorée, animée et joyeuse entoure et contemple avec un plaisir manifeste, des scènes comiques.

Dans un autre style, plus triste et plus grave, est  » L’enterrement à la campagne  » (également visible à l’hôtel de ville de Saujon, salle du Conseil Municipal) où l’artiste a peint, avec une remarquable qualité d’observation et une exactitude d’expression, devant une église qui occupe le fond de la toile, le catafalque au côté duquel sont le curé et les enfants de chœur, qu’entourent la famille et les amis dont chaque personnage est peint avec l’expression et l’attitude qui correspondent à leur situation personnelle par rapport à la cérémonie et la place qu’ils y occupent. Ce tableau, bien que différent par son style pictural et sa spécificité personnelle fait penser, néanmoins au célèbre  » Enterrement à Ornans  » de Gustave Courbet, bien qu’il soit traité dans une perspective plus respectueuse de la participation des personnages à la gravité de la cérémonie.

Le Pierrot. La Rochelle

Balande fut aussi un peintre de natures mortes. Dans ce genre, il s’est surtout intéressé aux fleurs. Il les a peintes soit dans des vases posés sur une table, soit au milieu d‘un jardin en parterres particulièrement riches, variées et colorés. Ces derniers tableaux se situent en fait à mi-chemin du paysage et de la nature morte car si le sujet, les fleurs, est bien celui d’une nature morte, le parterre dans un jardin est plutôt celui d’une floraison naturelle et vivante et la représentation d’un paysage de jardin limité à sa partie fleurie. Il aime les fleurs d’où cette abondance et cette variété de tableaux qui en représentent, tous richement colorés et pourvus d’espèces innombrables et différentes avec ces parterres si particuliers qui sont, en fait, de superbes et vastes bouquets vivants. Il avait d’ailleurs aménagé à Lauzieres et à Senneville, des jardins étonnamment fleuris qui lui servaient de modèles pour les tableaux de ce genre.

Il a fait également des portraits dont la plupart sont particulièrement heureux. Il y a dans la collection de Saujon, un très bel autoportrait peint en 1913 alors qu’il avait 33 ans. Il s’est peint en costume de chasse, un fusil posé sur son avant-bras droit. Dans ce portrait, il a mis en évidence avec talent, sa taille mince, son corps bien planté, droit, ferme, prêt à l’action ; son visage fin et fier avec un regard vif, volontaire et conquérant, tendu vers l’extérieur, ouvert à l’aventure qu’il ne craint pas, car il est suffisamment sûr de soi pour en dominer les aléas, l’ensemble donnant l’impression d’une nature énergique et décidée.
Il a peint  » Goulebenèze « , visible au Musée de Saintes,  » Léonce Vieljeux « , Maire de La Rochelle, mort peu après ce portrait au camp de Struthof en Alsace où il avait été déporté par les Allemands,  » Un amiral de Grasse  » qui a disparu avec le vaisseau, ses amis de Saujon,  » Les docteurs Stanislas et Robert Dubois « , ainsi que de nombreux membres de sa famille, sa femme, son fils, sa belle-sœur, soit en portraits isolés, soit en portraits éléments de scènes de famille ,ayant alors l’art d’associer à la qualité du portrait de chaque personnage, l’atmosphère de chaleur et d’intimité que comporte la vie familiale.

Portraits, dans un autre style, que ces dessins de cathédrale dont il a fait toute une série ; chacune offrant au regard son allure spécifique exprimée à travers de nombreux détails très harmonieusement assemblés, les uns par rapport aux autres de telle sorte que malgré leur présence en grand nombre, ils ne  » chargent pas l’œuvre au point d’en faire un inventaire documenté mais désincarné et sans âme « .

Il faut enfin parler de ses fresques et de ses illustrations de livres qui constituent un aspect très spécial mais néanmoins très important de son œuvre.
Nous avons vu dans le récit de sa vie, qu’il a reçu à plusieurs reprises des commandes de collectivités publiques et de l’état pour décorer des monuments et des paquebots, hommage à sa qualité d’artiste, car pour réaliser un ensemble aussi conséquent qu’une fresque décorative, il faut nécessairement une grande maîtrise de l’art de peindre et une grande faculté de composition, deux qualités reconnues à Balande. Les fresques qu’il a faites pour les paquebots  » Normandie  » et  » de Grasse  » ont malheureusement disparu avec ces vaisseaux. En revanche celles qu’il a réalisées pour la mairie d’Aubervilliers, pour le Ministère de la Marine et pour les villes d’Aytré et de La Rochelle sont toujours existantes.

Les deux fresques qu’il a peintes pour orner la salle des Pas Perdus de l’hôtel de ville Aubervilliers , que nous avons évoquées dans le chapitre précédent consacré à sa vie sont, comme toutes celles qu’il a réalisées, d’une très belle composition et comme c’est habituel dans ses œuvres, d’un dessin ferme et précis et d’un coloris lumineux et varié, l’ensemble se situant notamment dans la fresque intitulée  » L’offrande  » dans un décor champêtre où la nature est luxuriante, faite d’une allée entourée de grands arbres clairsemés sur des collines ondulées.

A l’école Pierre Loti de La Rochelle, la très belle fresque de  » L’allégorie  » de cette ville a été l’objet d’une intéressante étude de Monsieur Pascal Even, directeur des Archives Départementales de Charente Maritime à l’occasion des Journées du Patrimoine de septembre 1998 au cours desquelles cette fresque a été présentée au public. Dans son texte, Pascal Even rappelle que Balande a toujours aimé les grandes compositions destinées à l’ornement des bâtiments publics et que, dans cet esprit, il a réalisé en 1955 à Aytré, une fresque représentant  » Les Ateliers et Entreprises industrielles Charentaises « .

Celle de l’école Pierre Loti est antérieure puisqu’elle date de 1940. Elle évoque l’histoire de la ville avec l’illustration de ses personnages les plus célèbres, ainsi que celle de ses monuments les plus connus et de ses principales activités. Balande y ajoute l’expression de thèmes qui lui sont chers : le travail, l’enseignement, la famille, qu’il mêle habilement aux représentations précédentes qui demeurent malgré tout, les éléments fondamentaux en raison du thème de la fresque. Parmi les Rochelais illustres, Balande fait les portraits du Maire Jean Guitton, de l’Amiral Duperré en Ministre de la Marine Marchande de Louis-Philippe, du juriste-consulte José Valin, d’Agrippa d’Aubigné, d’Eugène Fromentin. Il a situé ces personnages autour de l’hôtel de la Chambre de Commerce. Au centre de la fresque il a placé la République qui tenant à la main un drapeau tricolore protège la ville ; autour d’elle, il a peint les principaux monuments : la Grosse Horloge, les clochers de Saint Sauveur et de Saint Barthélémy, la Cathédrale, l’hôtel dit de Diane de Poitiers. A gauche de cet ensemble, un groupe d’enfants studieux et attentifs apprend à lire ; et à droite un homme élevant dans ses bras un nourrisson symbolise la famille. A l’extrémité droite de la fresque sont représentées les principales activités économiques : la pêche, le commerce maritime, les quais du port chargés de marchandises, les marins occupés à leur mâture, les portefaix, et plus loin la campagne aunisienne avec ses champs, ses moulins, ses salines.

Balande a illustré plusieurs livres, notamment  » La Maîtresse Servante  » de Jérôme et Jean Tharaud,  » Occupation  » de Jean Miaux,  » Ré, île accueillante  » dont il a lui-même écrit le texte.
Il faut signaler que dans les années 1950, Balande a orienté certains de ses tableaux vers des préoccupations en relation avec celles de l’époque et notamment avec son développement économique et industriel. C’est ainsi qu’il a peint des raffineries, des ateliers sidérurgiques et comme nous venons de la signaler, en 1955, une fresque à Aytré représentant  » Les Ateliers des Entreprises Charentaises « .
Ces œuvres sont, au même titre que les autres œuvres de Balande, riches de vie, d’animation et de couleur. L’une des plus caractéristiques du genre  » La fusion de l’acier à Knutange  » faite en 1956 fait partie de la collection de Saujon exposée à la mairie de cette ville où elle peut être vue.
Tout cela ne constitue qu’un aperçu de son œuvre, qui en relate l’aspect majeur, sans entrer dans le détail des nombreuses toiles consacrées à chacun des thèmes et des genres que nous avons évoqués. Sa facture, comme c’est habituel chez les grands artistes, n’a cessé d’évoluer tout le long de sa carrière. Cette évolution qui a nécessairement tenu compte de celle qui a marqué l’art de son temps n’a pas, néanmoins comporté un renoncement à son génie propre, Balande ayant su, malgré des orientations ou des apports nouveaux, rester constamment lui-même sans soumettre son art au formalisme ou au despotisme d’une école. Son œuvre a été l’objet de multiples analyses par les critiques d’art à l’occasion des expositions auxquelles il a participé.

Tous sont unanimes pour dire que son art est resté tout au long de sa vie ferme, vigoureux, de grandeur plastique et qu’il a su éviter les  » excès colorés des impressionnistes et les extravagances amorphes des cubistes « .

Durant les premières années et notamment jusqu’en 1913, sa peinture a été dominée par les couleurs sombres, les gris de nuances variées, le noir, le marron foncé ; il est alors sous l’influence de Courbet et de son maître Cormon. C’est après son voyage en Italie où il a découvert à Florence et à Venise la magie de la couleur qu’il a éclairci sa palette. Il se rapproche alors de Cézanne et est considéré  » comme l’un des plus sonores peintres français de son époque « . Son pinceau va droit au fait :  » tout est bien vivant et coloré « . Les critiques louent la qualité de sa composition, la maîtrise de son dessin, la richesse de son coloris. Il module avec un choix heureux les transitions et les oppositions des rouges et des roses des toits, les blancs des crépis, les verts des feuillages et des prairies, les bleus des eaux et du ciel, les gris des pierres, non point en vue d’un développement poétique mais pour exprimer une  » vérité d’observation  » accompagnée d’une réminiscence de la lumière qui colore différemment les proches et les lointains. Sa peinture est soumission à la diversité de la nature,  » obéissance ingénieuse, savante et absolue à l’âme et à la nuance du motif « . 

Gaston Balande

Au salon de 1913, les critiques font état, comme nous l’avons signalé plus haut, de son orientation vers une palette plus colorée et disent de sa peinture qu’elle est maintenant  » joie, vie et lumière « . Les tons gris de ses premières années ont régressé au profit des bleus et des jaunes.  » Quelle vérité sous un franc soleil et les belles coiffes de dentelles, les belles robes de roses fleuries ! Tout cela vibre !  » est-il écrit dans l’Univers du 14 mai 1914 à propos de  » Noce boulonnaise  » exposée au salon. Et le Paris-journal du 18 janvier 1920 parlant de Balande écrit :  » L’élève de Cormon a tout à fait clarifié sa palette. Il entend peindre pour le bonheur des yeux « . Cette évolution vers une peinture plus colorée, plus lumineuse, plus vraie et plaisante au regard ne cessera de se confirmer dans le temps. Dans son  » hommage à Balande  » qu’il présente en 1978 à l’exposition du Foyer culturel de Taillebourg, Roger Bonniot, historien d’art, auteur d’un très bel ouvrage sur  » Courbet en Saintonge  » a dit que  » l’évolution de Balande était diamétralement opposée à celle de Vlaminck puisque son classicisme, très sobre accomplit une longue marche vers la couleur « , et il ajoute qu’il a  » passé les dernières années de sa vie parmi les fleurs dans une sorte de jardin extraordinaire  » et que  » sous son pinceau les œillets et les tulipes fleurissaient en toutes saisons « .

L’œuvre de Balande est donc restée personnelle, à l’écart de toute école et indifférente aux modes. Il a, ainsi échappé de son vivant à une gloire qui fut accordée, bien souvent avec excès, aux tenants d’une forme qui répondait au goût du jour. Ainsi pense, en évoquant cette situation, dans les mois qui ont suivi sa mort, Claude Chaumet-Riffaud pour qui il n’est pas exclu qu’à l’épreuve du temps, cet aspect des choses évolue et que Balande trouve enfin dans la peinture française du XXe siècle, la place que mérite  » la richesse et la qualité de son œuvre « .

Décorations réalisées
  • Carton de tapisserie aux Gobelins.
  • Carton de tapis à Aubusson.
  • Hôtel de ville d’Aubervilliers, Salle des Mariages
  • Paquebot  » Normandie « 
  • Paquebot  » De Grasse « 
  • Groupe scolaire d’Aytré, Charente-Maritime , sur le thème  » Le Travail ».
  • Groupe scolaire « Pierre Loti » à La Rochelle.
  • Prévoyants de l’Avenir, La Rochelle
Ses œuvres dans les collections publiques
  • Au Centre national des arts plastiques (35 œuvres achetées par l’Etat)
  • Dans les musées de Paris : Musée d’Orsay, Musée National d’art moderne, Petit Palais, Musée des Invalides
  • Dans les musées de province :  A Albi, Angoulême Châtellerault, Cognac, Dijon, Dunkerque, Fontenay-Le-Comte, Fouras, Gap, La Rochelle, Le Havre, Montpellier, Pau, Saintes, Saint-Etienne, Saint-Nazaire, Tarbes, Thouars,…
  • Dans les mairies de : Aubervilliers, Aytré, Saujon …
  • A la préfecture de Charente-Maritime, à l’école Pierre Loti de La Rochelle
  • A Genève, collection Oscar Ghez